Aujourd’hui, plus de 2 millions de personnes ont plus de 85 ans ; en 2040 elles seront deux fois plus nombreuses. L’allongement de la durée de vie, l’augmentation de la part des âgés dans la population, la croissance des maladies chroniques ou neurodégénératives et l’absence de solution à court terme pour socialiser le « risque dépendance » amènent une part croissante des actifs à s’investir dans l’accompagnement et l’aide d’un proche en situation de vulnérabilité : en perte d’autonomie ou touché par un handicap.

Et parce que les aspirations de la génération née après-guerre ne sont plus comparables à celles des précédentes, ceux qu’on appelle désormais les « papy boomers » revendiquent de choisir leur mode de vie le plus longtemps possible. Auparavant, la personne âgée comme la personne en situation de handicap étaient « placées en institution » ; désormais, les seniors revendiquent de vieillir à domicile le plus longtemps possible et la société se rêve inclusive de tous les handicaps. Pourtant, les études internationales le montrent, en matière de grand âge, la France ne parvient pas à apporter de réponse à ces aspirations puisqu’elle recourt bien plus à l’hébergement en Ehpad que ses voisins européens (41 % contre 32 % en moyenne) et sans comparaison possible par rapport au choix de société canadien (12%).

C’est peut-être là l’une des raisons qui expliquent, comme le rapporte la Mutualité Française dans l’édition 2018 de son observatoire « Place de la Santé », que 11% des Français déclarent aujourd’hui être l’aidant d’au moins une personne en situation de dépendance, et le faire tous les jours pour la moitié d’entre eux. Dans la moitié des cas, l’aidant se trouve en activité professionnelle. Si la quasi-totalité des aidants (90%) déclarent apporter un accompagnement dans les démarches administratives ou l’organisation de la vie quotidienne, ils sont 35% à prodiguer des soins à la personne aidée, et un sur cinq à « héberger la personne occasionnellement à son domicile ».

Mais le plus souvent et selon cette même étude, le drame de l’aidant réside surtout dans le sentiment de solitude dans son action, voire du caractère vain de celle-ci face à la dépendance croissante du proche aidé. L’aidant évoque les difficultés économiques, psychologiques et se sent souvent trop peu accompagné au quotidien et mal préparé au rôle qu’il n’a souvent pas anticipé. Dans neuf cas sur dix, ils se sentent fatigués, dépassés et enclins à l’autocritique devant l’incomplétude de leur réponse. 80% des salariés aidants disent peiner à concilier vie personnelle et professionnelle. Certaines études (H.-L. Schwal, Les Echos 13 septembre 2017) chiffrent à 40 jours la perte de productivité professionnelle d’un aidant : « en moyenne, durant 25 jours un salarié aidant s’absente véritablement, et au moins pendant 15 jours, il fait du présentéisme, étant fatigué, stressé, non-opérationnel… » Avant 2020, les dispositifs d’accompagnement des aidants étaient quasiment inexistants. Toujours selon la Mutualité Française, 7 Français sur 10 âgés de plus de 44 ans se disent mal informés sur leurs droits et l’offre d’accompagnement en matière de dépendance.

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